Aujourd’hui, j’ai dû, j’ai pu enterrer un moineau.
J’éprouvai même un choc, car en définitive ce bout de bois qui se référait au moineau dans les buissons était le premier signe (oh, faible, vague) qui, dans le monde objectif, confirmait en quelque sorte mes rêveries sur la bouche de Léna « se référant » à celle de Catherette : analogie mince, fantasque, mais il s’agissait en fait « d’un rapport » en lui-même, base d’un certain ordre. p.42
Dans le calme des ténèbres, la grenouilles, qui était avec nous se manifesta. Non qu’elle eût coassé, mais son existence, réveillé par celle du moineau, ne pouvait plus passer inaperçue. Nous étions avec la grenouille… elle était ici, avec nous, en face du moineau, cousinant avec lui dans le règne des batracho-moineaux, et cela m’évoquait ce glissement, cette déviation labiale… : le brelan moineau-grenouille-Catherette me poussait vers cet orifice buccal et transformait l’obscure cavité des buissons en bouche, agrémentée de cette coquetterie à la lèvre… de travers. p.66
Dans les buissons au bord de la route, lui, le moineau, pend, et le bout de bois pend aussi, dans la cavité du mur, ils pendent, mais l’immobile de cette immobilité dépasse toutes les limites de l’immobilité, une limite, une deuxième limité, une troisième limité, il dépasse la quatrième, la cinquième, la sixième, la septième pierre, l’herbe… il fait plus frais… p.128
Je dus même en rire. J’allai à leur rencontre à travers champs. Le moineau pend et moi j’avance. Le bout de bois pend et moi j’avance. Le chat, je l’ai pendu et j’avance. Lucien pend et j’avance. p.180
Cosmos – Witold Gombrowicz – Editions Denoël 1966