Il y a quelques années, le quotidien parisien Libération a posé à un certain nombre d’écrivains la fameuse et sournoise question : « Pourquoi écrivez-vous ? »
…
Quant à moi, je me souviens d’avoir à peu près répondu que, comme toute activité humaine, celle-là avait aussi des motivations multiples et ambiguës. Si la plus futile (pourquoi ne pas l’avouer ? : Proust lui-même, ce géant, ne reculait devant aucune démarches pour obtenir une critique ou se faire lire par des gens qu’il tenait pour des imbéciles…)… si donc la plus futile de ces motivations, mais qui n’en existe pas moins, est le désir d’être reconnu par la société, d’y justifier sa place et, si possible, avec éclat, je crois que la plus profonde est de justifier sa propre existence devant soi-même par un « faire ». Ce n’est pas le « Cogito ergo sum » de Descartes, mais bien plutôt un : « Je fais (je produis), donc je suis », besoin, me semble-t-il, élémentaire et que ressent tout homme normal en y répondant sous une forme ou sous une autre, que ce soit en faisant venir une récolte, en faisant des affaires, en faisant ou construisant un pont, des machines, en faisant de la recherche, etc.
Quatre Conférences
Claude Simon
Les éditions de Minuit an 2012