regarder

Deleuze a dit un jour, à propos du cinéma, que tout acte de création est toujours un acte de résistance. Mais que signifier résister ? C’est avant tout avoir la force de dé-créer ce qui existe, dé-créer le réel, être plus fort que le fait qui est là. Tout acte de création est aussi un acte de pensée, et un acte de pensée est un acte créatif, car la pensée se définit avant tout par sa capacité de dé-créer le réel. p.94
Giorgio Agamben
Le cinéma de Guy Debord — Image et mémoire : Écrits sur l’image, la danse et le cinéma
Éditions Desclée de Brouwer an 2004

Elle est allongée sur le dos ou debout ?
Elle va regarder le ciel ou la mer ?
Dans quelle perspective on est ?
L’image nous donne les deux.
Peut-être que ce n’est pas incompatible ?

La perspective a un sens, pas seulement le sens toscan que lui donne Côme l’Ancien, mais un sens proprement philosophique. La perspective, comme l’a dit très bien Hubert Damisch, ça ne montre pas seulement, ça pense. [… ] Plus simplement, la perspective est la forme symbolique d’un monde d’où Dieu se serait absenté, et qui devient un monde cartésien, celui de la matière infinie. […] Pierre Francastel a proposé une autre interprétation dans son livre Peinture et société. Il dit qu’en fait, avec la perspective, les hommes du temps construisent une représentation du monde ouvert à leur action et leurs intérêts. C’est très intéressant car le point de fuite est la projection de l’œil du spectateur dans la représentation, et le monde s’organise dès lors en fonction de la position du spectateur. Il est construit pour le regard du spectateur qui ensuite doit bien sûr y prendre sa place. […] … je dirais que la perspective n’est pas une forme symbolique puisqu’elle changera de fonction, mais au 15e siècle en tout cas, elle signifie effectivement une vision du monde qu’elle construit. pp. 44-46
Daniel Arasse
Histoires de peintures
France Culture Denoël an 2004

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Photo floue juste avant Minuit

crapaudflou
Pleine Lune et Orage.
Je comprends son envie de promenade.
Le ciel est déchaîné.
J’ai peur de l’orage mais j’aime les feux d’artifice.
Lui aussi s’enfuit sous la pluie ?
Après minuit, il sera où ? Dans quel état ? Sous quelle forme ? Et pour faire quoi ?

 

Partie 3

Dans le calme des ténèbres, la grenouille, qui était avec nous se manifesta. Non qu’elle eût coassé, mais son existence, réveillée par celle du moineau, ne pouvait plus passer inaperçue. Nous étions avec la grenouille… elle était ici, avec nous, en face du moineau, cousinant avec lui dans le règne des batracho-moineaux, et cela m’évoquait ce glissement, cette déviation labiale… : le brelan moineau-grenouille-Catherette me poussait vers cet orifice buccal et transformait l’obscure cavité des buissons en bouche, agrémentée de cette coquetterie à la lèvre… de travers. p.66
Witold Gombrowicz, Cosmos, Éditions Denoël an 1966

Tags : rencontre, pellicule, pratique, marche, montagne, profil, pause, monde parallèle, errance, question, cartographie, sentiment op.86 an 2011

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Robinson version Color by DeLuxe

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Du ciel In between us

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Seule la sensibilité saisit le signe en tant que tel ; seules l’intelligence, la mémoire ou l’imagination expliquent le sens, chacune d’après telle espèce de signes ; seule la pensée pure découvre l’essence, est forcée de penser l’essence comme la raison suffisante du signe et de son sens.

Être sensible aux signes, considérer le monde comme chose à déchiffrer, c’est sans doute un don. Mais ce don risquerait de rester enfoui en nous-mêmes si nous ne faisons pas les rencontres nécessaires ; et ces rencontres resteraient sans effet si nous n’arrivions pas à vaincre certaines croyances toutes faites.

Gilles Deleuze, Proust et les signes, PUF / Perspectives Critiques, Paris 1964, p. 121 et p.37

Une heure n’est pas une heure, c’est un vase rempli de parfums, de sons, de projets et de climats. Ce que nous appelons la réalité est un certain rapport entre ces sensations et ces souvenirs qui nous entourent simultanément — rapport que supprime une simple vision cinématographique, laquelle s’éloigne par là d’autant plus du vrai qu’elle prétend se borner à lui — rapport unique que l’écrivain doit retrouver pour en enchaîner à jamais dans sa phrase les deux termes différents. On peut faire se succéder indéfiniment dans une description les objets qui figuraient dans le lieu décrit, la vérité ne commencera qu’au moment où l’écrivain prendra deux objets différents, posera leur rapport, analogue dans le monde de l’art à celui qu’est le rapport unique de la loi causale dans le monde de la science, et les enfermera dans les anneaux nécessaires d’un beau style ; même ainsi que la vie, quand, en rapprochant une qualité commune en les réunissant l’une et l’autre pour les soustraire aux contingences du temps, dans une métaphore.
Marcel Proust, A la recherche du temps perdu – Le temps retrouvé, Éditions Gallimard, 1954, p. 250.

A ses pieds — au large sous son rocher — est-ce qu’elle faisait 15° aussi ?

Se souvenir que l’on connait la chanson que l’on aurait aimée monter avec.
Pour danser lentement.
Mais elle n’est pas encore sortie.

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Traduire par cœur

 

17052016

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Des portes qui s’ouvrent

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Le caractère le plus propre du cinéma est le montage, ou plutôt, quelles sont les conditions de possibilité du montage ? En philosophie, depuis Kant on appelle les conditions de possibilité de quelque chose les transcendantaux. Quels sont donc les transcendantaux du montage ? Il y a deux conditions transcendantales du montage, la répétition et l’arrêt.
Giorgio Agamben, Image et mémoire : Écrits sur l’image, la danse et le cinéma, Éditions Desclée de Brouwer, 2004, p. 90.

Au montage, on se sent enfin en sécurité. C’est le moment qui me semble unique au monde, que je ne retrouve pas dans la vidéo parce que là, on ne peut pas couper. Au montage, on a physiquement un moment, comme un objet, comme ce cendrier. On a le présent et le futur.
Jean-Luc Godard, « Le montage, la solitude et la liberté », conférence du 26 avril 1989

Car dans la méthode de Godard, il ne s’agit pas d’association. Une image étant donnée, il s’agit de choisir une autre image qui induira un interstice entre les deux. Ce n’est pas une opération d’association, mais de différentiation, comme disent les mathématiciens, ou de disparition, comme disent les physiciens…
Gilles Deleuze, L’image-temps, Les Éditions de minuit, 1985, p. 234.

Mais j’aimerais choisir plus lentement et être accompagné à ce moment-là. Pour ne pas choisir si vite, pour avoir le temps. Ce qui m’effraie quand je vois des gens monter, c’est la vitesse, que personne ne leur demande, mais personne… Ré-enrouler à toute allure, coller avec une violence absolument infernale. Alors que le montage c’est quelque chose de plus doux. Avoir le temps de respirer. Tout est là. Si ça pouvait rester à l’état de rushes [d’Atlas…] et que les gens puissent venir voir le film comme ça.
Jean-Luc Godard, « Le montage, la solitude et la liberté », conférence du 26 avril 1989

Si vous voulez, il y aurait une autre manière de fonctionner sur les CD-Roms qui est plus la possibilité de feuilleter, de trouver, de mettre un titre…, c’est comme un couloir avec des portes qui s’ouvrent, beaucoup de jeux se font de cette manière… Entre le jeu vidéo et le CD-Rom, il y aurait une façon de faire des films, qui seraient beaucoup plus près de Borges ou d’autres gens comme lui. Mais cela ne se fera jamais, on peut être tranquille…
Jean-Luc Godard, Archéologie du cinéma et mémoire du siècle, (avec Youssef Ishaghpour), Farrago, 2000, p. 32.

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Piste

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Histoire de parler

Du bas latin ecclésiastique parabolare, (« raconter des histoires »).

vaguement

12 décembre 2014 oooooooooooooooooooo9 octobre 2014

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Bien sûr on ne sait jamais

Caspar_David_Friedrich_018

J’ai compris.
Oui c’est là.
Exactement ça.
Là où ça manquait.
« Mouvement » ça ne se dit pas, ça se vit.
Des fois on (je) sait.
En tous les cas, on croit, on sent.
Parce que d’une autre manière, on pourrait dire aussi : « On ne sait jamais ».

Voici notre héritage romantique : trouver sans cesse à redire, sans mettre les trouvailles au service d’une technique, sans craindre que ces trouvailles fassent semblant d’aller seules leur chemin fictif, sans craindre, donc, qu’elles puissent s’emballer, s’emporter, et prendre ainsi de vitesse le récit qui les porte, et qui doit, absolument, les porter, les supporter. Relisez les anecdotes de Kleist, d’Arnim, ou d’Hoffmann : ce qui s’y invente fidèlement à Diderot, c’est la vitesse dans la fiction ; ce qui s’y refuse, par conséquent, c’est un langage toujours trop complice de la durée, nous condamnant au retard, ou à la succession ; ce qui s’y éloigne, c’est tout langage soumis aux modes temporels de tradition : soit l’instant romanesque (qui surgit d’une éternité jugée évidemment inaccessible), soit le développement dramatique (qui évolue à but fini, enchaîne les nombres, multiplie les cycles). L’invention romantique, du point de vue de la voix narrative, porte sur le temps dans le langage. Il s’agit de corriger la notation par le mouvement en vue du mouvement, de cumuler du simultané et du successif, de faire comme si le temps, dans les mille et une histoires qui se chevauchent, entrait et sortait de lui-même, sans s’écouler, sans créer avance ou retard, sans répondre à cette sorte de demande d’histoire-en-delai qui paraît régler toute narration. Il s’agit, autrement dit, et plus carrément, de fabriquer du sans délai : un récit hâtif, précipité ; un récit à fond de train. Cette fabrique, si l’on peut dire, n’est pas celle de l’obsessionnel (les romantiques ont peu de goût pour ces raccourcis que sont les sentences, les maximes, les aphorismes), mais celle, on n’aura pas cessé d’y revenir, de l’obstiné, de l’entêté (des premiers aux seconds romantiques, ce qui tient le mieux, finalement, c’est l’obstination fragmentaire). C’est dans cette fabrique que la narration romantique nous réapprend, aujourd’hui, de toutes les manières, à faire fantômes, et non époque (selon le mot heideggérien), et non symptôme (selon le mot lacanien). Et avec les fantômes, comme dit le conseiller Krespel, bien sûr, on ne sait jamais. Ou plutôt, on sait tout juste qu’il n’est pas question de gagner du temps (il ne manque pas, puisqu’il n’est pas compté), mais d’en venir à cette chose (la seule à s’écrire) qui fuit dans le temps. p.127-128
Daniel Wilhem
Les romantiques allemands
écrivains de toujours, an 1980

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Bibliothèque

bibliotheque

ooVous réconcilier avec Apollon ne sera pas facile. Vous n’avez pas de laurier sous la main, Pindare n’a rien à vous dire, Hölderlin boude, Hegel est distant, Homère lui-même a mis son doigt sur la bouche. Décidément, tous les livres font grève aujourd’hui, y compris, c’est un comble, la Bible. Les poètes se taisent, la musique ne veut pas de vous, la peinture s’absente, votre partenaire d’amour se dérobe. Vous essayez le chinois ? Rien. Le sanscrit ? Rien. Le vieux français ? Rien du tout. Shakespeare ? Surdité complète. vous êtes enfermé en enfer.

ooVous essayez de dormir, mais le sommeil, au lieu de vous reposer, vous fatigue. Vous marchez pendant une heure, aucun effet. Vous prenez trois bains chauds, aucune détente. Vous vous enivrez, résultat très lourd. Vous baisez, vous jouissez, retour nul. La coke ? Vieux manège. Vous consultez les informations, l’idiotie vous submerge. Vous entrez dans un jardin, et la nausée avec un rire lointain d’Épicure, vous rejoint.

ooTout cela est bien beau, mais qu’arrive-t-il si plus personne ne sait lire, et si les livres essentiels sont noyés ? Je pose la question à Hegel, qui pour une fois, me répond par une boutade : « L’Esprit absolu sait nager. » Après quoi, il retourne dans sa bibliothèque, qui est extraordinairement renseignée. p.191 et 194

Philippe Sollers
Mouvement
Gallimard an 2016

[Oui mais… Il ne suffit pas d’écrire « Mouvement ». Pourquoi ? Où ? Comment ? Moi ?]

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Plain-Chant

psaume
Nuage
du ciel

[Pourquoi « psalmodier » est très souvent utilisé à des fins péjoratives ? ]

– Oh bonheur

– Je chante

– Joie
ooh joie

– Oh vagues énormes
otous tes flots m’envahissent

– Toi qui as fixé la lune et le soleil

– Complètement

– Comme la lune installée toujours et à jamais

oAccordée
odans le ciel

opause

– Le monde est stable pour ne pas tomber

– Il fait la lune pour dire le temps
ole soleil connaît son mouvement

– Regarde à ma droite
oregarde

predelle2

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Ça ne s’invente pas mais ça se retient

elle4

Je n’aime pas les mots croisés.
Je ne trouve jamais les réponses.
Je suis tombée par hasard sur une réponse.
J’ai été chercher la définition.
verticalement

ooseretrouver
Elle
Elle peut
Elle peut se
Elle peut se retrouver
Elle peut se retrouver sur
Elle peut se retrouver sur le
Elle peut se retrouver sur le dos

elle1
elle2
elle3
Nageuses verticales du jour

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Festina lente

vitesserose

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Dans quel sens ça va ?

robe

mal élevé ?

élever \e.lə.ve\ ou \el.ve\ transitif ou pronominal 1er groupe (conjugaison) (pronominal : s’élever)

  1. Mettre plus haut, porter plus haut, rendre plus haut.
    • A un appel de sonnette on plaçait les plats et tout ce qui était nécessaire sur un monte-charge qui s’élevait jusqu’à la salle à manger et redescendait aussitôt. — (André DhôtelLe Pays où l’on n’arrive jamais, 1955)
    • Les filaos géants, à l’écorce rugueuse et noire, étaient très nombreux et s’élevaient vers la voûte de feuillage comme des piliers de cathédrale. —(Michel Lemoine, L’autre univers de Simenon : guide complet des romans populaires publiés sous pseudonymes, Liège,C.L.P.C.F., 1991, p.166)
  2. (Figuré) Porter vers ce qui est plus grand que soi, en parlant de ses pensées, de son âme, de ses désirs.
    • Élever son cœur, son esprit, son âme à Dieu,
  3. (Figuré) Fortifier, ennoblir, en parlant de l’âme, de l’esprit.
    • Il faut bien noter aussi que lorsqu’elle célèbre des Saints, elle s’élève et diffère ; alors elle s’exhausse dans une flambée d’âme ; […]. — (Joris-Karl HuysmansLa Cathédrale, Plon-Nourrit, 1915)
    • La lecture de cet ouvrage élève l’esprit. — Dans la contemplation de la nature, l’âme s’élève.
    • (Par analogie) Élever les sentiments, le courage. — Son style s’élève quelquefois.
  4. (Figuré) Opposer, proposer ou faire naître, en parlant de doutes, de scrupules, de difficultés.
    • Vous élevez là une difficulté, une chicane bien étrange.
    • Élever des doutes sur la réalité d’un fait.

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imagesrecentes
Prédelle du jour

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Père-Lachaise Soleil

perelachaise
Bien reçu. Merci pour la pensée.

SH1

SH2

J’ai retiré la main droite de dessous mon corps ; je me suis tourné et retourné dans mon lit et je me suis mis sur le dos ; c’était un peu désagréable ; je suis retombé dans la même position, l’effet de l’opium augmentait ; j’étais conscient de mourir et voulais le faire correctement. Mes sentiments s’étaient aggravés et amplifiés : mais je m’étonnais de ne pas dormir. C’était comme si toute mon existence sortait de mon corps d’une façon ravissante ; mon cœur battait lentement, je respirais doucement ; deux ou trois heures peut-être se sont écoulées. Entre temps quelqu’un a frappé à ma porte, j’ai compris que c’était mon voisin mais je n’ai pas répondu et je n’ai pas voulu bouger. J’ai ouvert les yeux et je les ai refermés ; j’ai entendu le bruit de sa porte ; il s’est lavé les mains et a sifflé ; j’ai entendu. J’essayais de m’occuper à des pensées agréables ; je me souvenais de l’an passée, le jour où j’étais assis dans le bateau ; on jouait de l’harmonica. Les vagues, les secousses du bateau, la jolie femme qui se tenait devant moi, j’étais plongé dans ces pensées ; c’est comme si j’avais eu des ailes et me baladais dans l’air. J’étais devenu d’une légèreté et d’une agilité inexprimables. C’était la même différence qu’entre la lumière naturelle et son reflet sous l’effet de l’opium ; c’était comme si on voyait la même lueur de derrière un lustre ou un prisme de cristal, comme si elle se décomposait en couleurs différentes. Dans cet état il vient des pensées simples et absurdes qui se transforment en une imagination enchanteresse et fascinante ; chaque pensée fugitive et futile prend une forme attirante et majestueuse ; s’il passe dans l’esprit un panorama ou un paysage, il s’agrandit énormément ; l’espace prend du volume ; l’écoulement du temps n’est pas sensible.
p.64-66
Sadeq Hedayat
Enterré vivant
José Corti an 1986

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