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Sauve qui peut (la vie)
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Parenthèse enchantée (Stromboli)
(*.*)
Si je lis avec plaisir cette phrase, cette histoire ou ce mot, c’est qu’ils ont été écrits dans le plaisir (ce plaisir n’est pas en contradiction avec les plaintes de l’écrivain). Mais le contraire ? Ecrire dans le plaisir m’assure-t-il — moi, écrivain — du plaisir de mon lecteur ? Nullement. Ce lecteur, il faut que je le cherche (que je le « drague »), sans savoir où il est. Un espace de la jouissance est alors créé. Ce n’est pas la « personne » de l’autre qui m’est nécessaire, c’est l’espace : la possibilité d’une dialectique du désir, d’une imprévision de la jouissance : que les jeux ne soient pas faits, qu’il y ait un jeu.
Tout écrivain dira donc : fou ne puis, sain ne daigne, névrosé je suis.
Le texte que vous écrivez doit me donner la preuve qu’il me désire. Cette preuve existe : c’est l’écriture. L’écriture est ceci : la science des jouissances du langage, son kâmasûtra (de cette science, il n’y a qu’un traité : l’écriture elle-même).
Babil p.11 et 13
(*.*)
L’endroit le plus érotique d’un corps n’est-il pas là où le vêtement bâille ? Dans la perversion (qui est le régime du plaisir textuel) il n’y a pas de « zones érogènes » (expression au reste assez casse-pieds) ; c’est l’intermittence, comme l’a bien dit la psychanalyse, qui est érotique : celle de la peau qui scintille entre deux pièces (le pantalon et le tricot), entre deux bords (la chemise entrouverte, le gant et la manche) ; c’est le scintillement même qui séduit, ou encore : la mise en scène d’une apparition-disparition.
Bords p.19
Roland Barthes
Le plaisir du texte
Éditions du Seuil, an 1973
PS : Parenthèse — Petites lunes
« Les parenthèses naissent de l’exigence de clarté formelle des humanistes ; elles intègrent dans la continuité du texte ce qui aurait pu figurer dans une glose marginale. Avant elles, on pouvait recourir à la virgula suspensiva : /deux barres transversales/. D’où le nom qu’on utilisa plus tard pour les décrire : virgulae convexae, bâtonnets convexes. Les parenthèses, issues donc d’un usage spécialisé de ces virgules primitives ? En tout cas, comme le montre l’historien Malcolm B. Parkes, les premières parenthèses (1399) sont assez proches des chevrons : < >. On les doit à l’humaniste florentin Coluccio Salutati (le premier aussi à étrenner le point d’exclamation). Nicolas Jenson, imprimeur champenois installé à Venise, inventeur d’un des premiers jeux de caractères romains, donna aux parenthèses leur forme arrondie dès 1470. Érasme les baptisa en 1530 lunulae (petites lunes) »
Pedro Uribe Echeverria, « Tirets et parenthèses, ou le for intérieur »,
L’Express, 12 août 2009
Publié dans Coïncidence, Général, Lecture
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Ibidem
L’infirmière est tombée à la renverse. C’est le matin, des clochent sonnent, on en jurerait. Peut-être les cloches sonnent, peut-être c’est dimanche. Elle est abasourdie, l’infirmière, par ce qu’elle a vu. Et par ce qu’elle n’a pas vu : elle n’a pas vu Ziad Zerdoumi, le lieutenant de police tombé dans la démence. Elle a vu autre chose. Qu’elle va revoir. Ou elle a eu la berlue (tous les jours on a la berlue, pense l’infirmière, on fait tous les jours comme si on ne voyait pas ce qu’on voit et l’infirmière qui pense des choses comme ça à propos de la berlue ne se relève pas parce qu’elle sait que si elle a eu la berlue c’est une berlue du genre film d’horreur et si elle ne l’a pas eue, c’est pire). Elle regarde le lit où était hier Ziad Zerdoumi le lieutenant. Il n’y est pas. Certes il n’y est pas. La montagne de livres d’hier a disparu. Certes. Mais ce n’est pas un lit vide. C’est un lit copieusement rempli. Une très vieille dame l’occupe.
Ziad lisait. La nuit était tombée. Au matin des cloches ont sonné. C’est un dimanche. Le jeune lieutenant s’est volatilisé. Á sa place est une très vieille dame qui n’a pas l’air plus malade que l’infirmière renversée. La très vieille dame apparue est énorme et a les joues roses. Tout est copieux ce matin. La très vieille dame copieuse est triomphante. La langue dans laquelle elle s’exprime (avec une aisance surprenante pour quelqu’un dans sa situation), eh bien c’est une langue inconnue. On dirait que ça va être fastidieux de trouver une explication rationnelle à la transmutation extraordinaire de Ziad Zerdoumi en quelque chose comme son arrière-grand-mère. Genre et temps et personne bousculés. Reste le lieu, un lit.
Restait le lit.
Les soignants soignent. Il reste un lit, une extraordinaire vieille non-malade l’occupe dont il faudra trouver que faire. Par où s’est glissé la vieille dans la nuit, par où a filé le lieutenant, combien d’années a connues la vieille et combien de pays. Après tout ça ne concerne pas les soignants qui soignent et on peut lever le menton au ciel, se prendre les tempes dans les mains, refuser fort visiblement de croire au prodige et n’en agir pas moins comme il faut qu’on agisse.
ibid. p.69-70
Publié dans Lecture
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Cadeau 3 – Lecture
Durruty frappe un petit coup à la porte entrouverte. Ziad est plongé dans un livre et rien ne l’en dérange. Il ne va pas très bien (dit une infirmière dans le dos de Durruty).
Il prend ses imaginations au sérieux.
L’infirmière et le commissaire boivent le café clair. Hannah (jamais su qu’elle se faisait appeler Mélodie) était étrange. Drôlement petite, l’infirmière qui raconte se hausse sur la pointe des pieds.
Étrange ?
Elle est arrivée il y a quelques mois dans le service. Je vous imprime la fiche de nuit du 3 avril.
La tempête s’est lassée et Ziad (prophétique) lève la tête : voler au secours de Gabrielle. Elle se cache dans un cabanon juste avant la frontière. Dans les bois du côté du palais.
Ziad a dessiné le parcours (approximatif) sur une feuille arrachée à son livre, la dernière, celle des mentions légales.
Bien, dit Durruty. Dans la chambre d’hôpital, on sent un soulagement (mon ami, j’irai au cabanon). Plein de petites mains saluent Durruty. Allons allons, à moi aussi l’imagination joue des tours.
Durruty a garé sa voiture sur le parking, loin de l’accueil. Il s’en retourne lentement, le souffle court. Il a plein d’amitié : pour l’infirmière toute petite et pour le grand escogriffe lecteur qui servait, dans le temps, de flic n°1. Il appelle Zelda, qui a la bouche pleine, elle est installée aux Trois Fourches : j’ai la liste des malades soignés aux urgences le 3 avril, ça vous intéresse ?
Zelda fait de grands signes à Tom pendant qu’elle répond au commissaire. Ah on allait faire le tour de. On est aux. Non mais j’ai trouvé les. OK. Tout de suite.
(Même pas crié, dis donc.)
Une demi-heure plus tard, Tom se gare devant le commissariat. En double file pendant que Zelda et Durruty font le point. Cette nuit-là, minuit, sexe F. Entrée sous X. Ecchymoses. Choc cervical. On ne dit rien de l’heure de sortie. La disparue. Disparue. La disparue de la route des cimes.
Pas si vite, hein.
Le croquis de Ziad : il est fou, il veut qu’on aille là-bas ? Chef, vous voulez qu’on cherche dans les bois d’un domaine privé, une réserve de chasse, un cabanon qu’un gars à moitié fou a griffonné après avoir lu les œuvres complètes de Stevenson ?
Chef, qui cherche-t-on dans ce cabanon ? La fille dont Ziad est dingue ou celle qui quitta une voiture en flammes avant de quitter l’hôpital et de brûler la politesse à la jeune femme qui l’avait recueillie ?
Chef, qui doit-on chercher ? Selon vous, chef ?
(Soupirs.)
p.51-53
Marie Cosnay
Cordélia la Guerre
Editions de l’Ogre, an 2015
Publié dans Général, Lecture
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Cadeau 1 — Archive
Forme un nom correspondant à une notion d’écriture, de dessin, ou d’image.
La bidulographie consiste à utiliser un bidulographe pour produire des bidulogrammes.
Une graphie est une représentation écrite d’un mot ou d’une lettre. Elle peut concerner l’orthographe ou bien la typographie. Ce concept est très proche de celui d’écriture et les deux termes sont parfois confondus ou échangés.
[La graphie de « l’époque » ne permet pas de déterminer laquelle des deux c’est.
Celle qui « pense » que la naissance porte en soi du sens.]
https://fr.wiktionary.org/wiki/sens
Étymologie
(XIe siècle) (Nom commun 1) Du latin sensus (« percevoir par les sens, ressentir »).
(XIIe siècle) (Nom commun 2) Du langues germaniques sen (« direction, chemin »).
Les deux mots se sont mutuellement influencés
Nom commun
Singulier et pluriel
sens
\sɑ̃s\
sens \sɑ̃s\ masculin singulier et pluriel identiques
1- Signification, ce que quelque chose veut dire.
Lorsque l’interprète me traduisit le sens général du discours, je fus émerveillé. — (Alain Gerbault, À la poursuite du soleil; tome 1 : De New-York à Tahiti, 1929)
2- (Biologie) Faculté de percevoir les impressions faites par les objets extérieurs.
Mais si la beauté impressionne les sens, elle ne saurait obtenir d’empire durable et puissant qu’autant qu’elle les subjugue. — (Flora Tristan, Les Femmes de Lima, dans Revue de Paris, tome 32, 1836)
Et rien en effet dans son langage, pas plus que dans ses silences ni dans son attitude, ne décela à sa bourgeoise qu’il avait les sens aux aguets et faisait bonne garde. — (Louis Pergaud, La Vengeance du père Jourgeot, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
Il y a bien d’autres sens : celui des sensations thermiques, la faim, la soif…
3- Manière de juger, de comprendre.
Qui exprime le sentiment, l’opinion de quelqu’un concernant un sujet donné.
Être en un sens pratiquement mangé par des mouches, c’est une histoire triste, je trouve, en un sens. — (Haruki Murakami, Saules aveugles, femme endormie, traduit par Hélène Morita, 2006)
Retourner une question dans tous les sens.
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Rendez-Vous
Samedi 5 septembre 2015, 15H.
Vivement la rencontre !
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Image principielle juste avant un risque fort (une forte probabilité)
https://fr.wiktionary.org/wiki/principiel
Étymologie
(milieu XXe siècle) Mot savant construit, par Roland Barthes selon le TLFi, à partir de principe et du suffixe adjectivant -iel.
Toutefois on retrouve déjà ce mot dans Le Règne de la quantité et le signe des temps (1945) de René Guénon.
Publié dans Coïncidence, Général
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Lui donner un orient
L’épistémologie du courage : une équation à trois entrées :
imaginatio vera — pretium doloris — vis comica
S’il fallait synthétiser l’épistémologie du courage, on pourrait chercher à articuler trois postures éthiques et de connaissance, trois manières de se tenir face au réel, trois mécanismes profonds qui diffèrent tout en gardant une force alchimique commune. Rappeler que le dire vrai, parrèsiastique, est littéraire, c’est s’inscrire dans le règne de l’imaginatio vera ou l’imagination vraie. Cette faculté est l’inverse de l’imaginaire et des fantasmatiques infantiles ou barbares. L’envers d’un surmoi déconstruit ou en perdition. A l’opposé d’un ça qui prendrait le pouvoir. A l’inverse, l’imaginatio vera est le pouvoir de ceux qui inventent le réel, qui font surgir l’événement. Les bachelardiens qui se réclament des poétiques de la matière, qui savent que la connaissance est toujours affaire de co-naissance, font l’épreuve de cette imagination noétique, créatrice et éthique. C’est autant la faculté qui schématise, produit les schèmes et les modèles, concentrés de principes et de valeurs. Quelque chose qui n’est pas exclusivement un concept. Un entre-deux. Henri Corbin l’avait rattaché au monde imaginal, ce monde aux confins du monde sensible et du monde intelligible, qui a pour but de concrétiser le spirituel et de spiritualiser le sensible. Non pas le monde des idées, mais celui des images principielles, des images de l’âme, qui la nourrissent et l’élèvent. Traditionnellement les poètes sont riches d’imaginatio vera. Mais Henri Corbin a su nous montrer que c’était également la faculté des chevaliers et des prophètes, ceux qui luttent pour un monde meilleur et ceux qui l’espèrent et l’anticipent. Définitivement une faculté de l’âme et du cœur, plus encore de l’esprit. La gageure de l’imaginatio vera : inventer le réel sans le fuir. L’orienter. Lui donner un orient, lui conférer un sens. Sans pour autant le dogmatiser ou le subsumer sous des synthèses inappropriées. p.88-90
Le courage ou la fécondité du hasard p.100
Le courage ou la volonté de la joie p.108
Cynthia Fleury
La fin du courage
Fayard, an 2010
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La douce verticalité — Vivre à propos — Super Lune
L’art de la rupture ne tient pas l’intégrale de l’épistémologie du courage. L’onde recèle aussi un savoir. « Les nymphéas sont les fleurs de l’été qui ne trahira plus.*» Belle promesse. Mais très vite, la fleur défleurit. Et la leçon de bonheur et de courage apparaît. Il faudrait avoir la distance du nymphéa, son imperceptible présence, sa satisfaction de l’éphémère pour vivre heureux « tant de jeunesse retrouvée, une si fidèle soumission au rythme du jour et de la nuit, une telle ponctualité à dire l’instant d’aurore*». Il faudrait avoir toute cette science qui n’est qu’intimité. « Le nymphéa a compris la leçon de calme que donne une eau dormante. Avec un tel songe dialectique, on ressentirait peut-être, en son extrême délicatesse, la douce verticalité qui se manifeste dans la vie des eaux dormantes. *» A lire Bachelard, la vie est une dialectique de l’eau, du fond des eaux, du reflet et de la profondeur. Silence de la surface, fond ténébreux. Une dialectique de l’eau, dormante, filante…, mais également une dialectique du fer. Il faut être nymphéa, épouser d’une part le faux sommeil de l’eau, et d’autre part, savoir sculpter. Rêveries de la dureté et de l’onde pourront ainsi parfaire l’éthique du courage. p.20-21
La peur reste une fuite de l’à-propos. Ne pas savoir profiter de l’occasion, vivre l’instant présent, voilà l’autre nom de du manque de courage. Etre sans cesse déporté vers un passé ou un avenir, ne pas avoir le sens du temps qui court et ne laisse rien s’achever ou arriver. A l’inverse, « vivre à propos » devient l’art renaissant. « Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors ; […] c’est injustice de corrompre ses règles. […] — Avez-vous su méditer et manier votre vie ? Vous avez fait la plus grande besogne de toutes. » Glorieux chef-d’oeuvre que celui de faire cesser la peur, de s’accommoder de l’insuffisance active et du manque qui parvient. Il ne s’agit d’accepter l’inertie et ses errements. « Composer nos mœurs est notre office, non pas composer des livres et gagner, non pas des batailles et provinces, mais l’ordre et tranquillité à notre conduite. Notre grand et glorieux chef-d’oeuvre, c’est vivre à propos**. » Il s’agit d’errer activement, d’en faire une initiation humanisante. p.26
Cynthia Fleury
La fin du courage
Fayard, an 2010
* Gaston Bachelard, Le droit de rêver
** Montaigne, Les Essais, III, 13, « L’art de vivre »
[La Lune est pleine ce soir.
Super Lune : la Lune est environ 30% plus brillante et 14% plus grande que lors d’une pleine Lune normale. Ce phénomène se produit lorsque la Lune est à son point le plus proche de la terre.]
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Light Motif
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Der Rechte Weg
Ce détail du baromètre révèle quelque chose de la relation très spéciale que Barthes entretient avec Flaubert. Il n’est pas le classique dont on s’empare, comme Racine ou Balzac, ni le moderne dont on interroge l’expérimentation ; il est un compagnon, comme l’est Proust, une présence sur laquelle il peut toujours compter. Barthes le note sur une fiche : « Manière dont je me sers de Flaubert. Je n’écris pas sur lui mais je m’en sers tout le temps. » Il a avec lui un rapport fraternel : il se reconnaît dans ses découragements (la « marinade »), dans sa façon de rendre inséparable la vie et l’écriture, dans son obstination. Cette proximité le conduit à porter une attention très matérielle et concrète à son œuvre. Il s’intéresse aux papiers que Flaubert utilise, à ses ratures, à ses différents types de correction (en anticipant sur l’inlassable travail génétique entrepris depuis cette œuvre). En reversant les mérites de la poésie sur la prose Flaubert a permis de sortir définitivement la littérature du carcan de la rhétorique pour la faire entrer dans un mouvement infini, dans l’incertain. Cette reconnaissance a des implications très profondes pour Barthes et explique l’accompagnement étroit, continu, et là encore fraternel, de Bouvard et Pécuchet pendant les dix dernières années de son existence. On a pu y lire un rapport ambigu et fasciné de Barthes à la bêtise, et peut-être même à sa propre bêtise ; il est sans doute plus juste d’y voir le livre qui incarne pour lui l’exemplairement — car avec distance — le programme du neutre : Bouvard et Pécuchet est pour Barthes un livre constamment incertain, le langage n’y présente aucune garantie. Aucun énoncé ne prévaut, « il n’y a pas de langage-maître, pas de langage qui en coiffe un autre ». Flaubert est ainsi plus proche de sa pensée de l’écriture et du style que n’importe lequel de ses contemporains. Il illustre une discordance des temps que viens réparer fantasmatiquement le vertige des dates concomitantes. « J’étais en classe de troisième quand la nièce de Flaubert est morte (3 février 1931 à Antibes) », note Barthes dans son journal.
Il ne pourrait mieux exprimer le désir de le rejoindre. p. 530-531
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Energie des labiales
Bergotte n’était pas placé loin de moi, j’entendais parfaitement ses paroles. Je compris alors l’impression de M. de Norpois. Il avait en effet un organe bizarre ; rien n’altère autant les qualités matérielles de la voix que de contenir de la pensée : la sonorité des diphtongues, l’énergie des labiales, en sont influencées.
Marcel Proust
À la recherche du temps perdu
À l’ombre des jeunes filles en fleurs
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