Au début j’étais perplexe quant à ce chaos.
Ces postes de télévisions, « réduire » les images, celles de son travail, les proposer toutes ensemble, à la même échelle…
J’avais vu déjà et beaucoup aimé en grand : son 24 Hour Psycho,
« Plus jamais il ne pourrait revoir le vrai film, l’autre Psychose. C’était celui-là le vrai film. C’était ici qu’il voyait tout, pour la première fois. Il se passait tant de choses en une seconde donnée, au bout de six jours, douze jours, cent douze, et qu’il voyait pour la première fois.
Elle dit : » Comment ce serait, de vivre au ralenti ? »
Si nous vivions au ralenti, le film ne serait qu’un film parmi d’autres. Mais il ne le dit pas.
Il dit : » Je suppose que c’est votre première fois. »
Elle dit : » Tout est ma première fois. » […]
Elle lui dit qu’elle se trouvait à des millions de kilomètres de ce qui se passait sur l’écran. Et qu’elle aimait ça. Elle lui dit qu’elle aimait l’idée de lenteur en général. Tant de choses vont si vite, dit-elle. Nous avons besoin de temps pour nous désintéresser des choses. »
Don DeLillo, point oméga, Acte Sud 2010, p. 128.
au ralenti
Je me souviens bien de son Taxi Driver, le beau de Niro plus grand que soi, et à Avignon son éléphant chez Yvon Lambert, pouvoir s’immerger à échelle 1 dans ses images.
J’étais très sceptique quant à cette « réduction ».
Mais je suis touchée. Une proposition qui permet de « voir » son vrai travail, qui ne fait qu’un au fond, son rapport aux images, son rapport au monde tout court.
Une forme d’autoportrait.
Pas de hiérarchie du coup entre les statuts des images, tout s’entremêle les sons, les couleurs, les rythmes des images que parfois il modifie. Une écriture de soi.
Paradoxalement le foutraque n’empêche rien quant à la force de chaque image, tous ces détails. On les voit bien. Ce chaos n’est pas autoritaire ni imposant, bien au contraire, le spectateur peut à l’envi créer son (propre) ordre et ce avec joie et « originalité ».
En tous les cas ce qui m’est apparu aussi grâce à ce dispositif c’est comment l’ordre naît du chaos. Cosmos. Qu’une histoire de point de vue, le sien, celui de celui qui regarde et se reposer.
« Tâche difficile : même s’il pouvait y avoir ici, cachée quelque part, la chose que signalait la flèche dessinée là-bas, au plafond de notre chambre, comment la découvrir dans ce fouillis, au milieu des mauvaises herbes, des menus déchets, des ordures dont la quantité excédait tout ce qui pouvait se passer sur les murs ou les plafonds ? Une profusion de relations, de liens… Combien de phrases peut-on créer avec les vingt-six lettres de l’alphabet ? Combien de significations pouvait-on tirer de ces centaines d’herbes, de mottes, et autres détails ? Le mur et les planches de la cabane déversaient également des combinaisons infinies. J’en eus assez. Je me redressais pour regarder la maison et le jardin. Ces grandes formes synthétiques, ces mastodontes de l’univers des objets reconstituaient un ordre, et je me reposai. »
Cosmos, Gombrowicz